adical d’atmosphère. La belle ferme en carré de 1.200 m 2 qu’il a investie est plongée dans un bain vert de 5 ha. Ici, le paysage est roi et on le respire à pleins poumons. Des moutons bêlent, une buse variable raye un ciel bleu qu’apaisent quelques nuages cotonneux. Direction la réception pour une halte courte et cordiale, avant une chambre confortable, l’une des 11 disponibles, qui fait avec beaucoup de justesse l’économie du clinquant. Douche à l’italienne, baignoire, poutres rustiques revisitées dans le sens de la contemporanéité, le décor signé par Charlotte Esquenet (Studio Exsud) met d’autant plus dans de bonnes dispositions qu’il congédie l’air conditionné. Et s’il fait chaud ? Placée dans un intéressant axe Nord-Sud, la pièce est rafraîchie par la circulation du vent. Les valises posées, on obéit à la délicate injonction d’aller « jeter un œil sur le potager ». Cœur verdoyant du projet, le terrain de jeu de Ben Blairvacq, le potagiste déjanté qui règne ici en maître, fournit de nombreuses clés d’une adresse en prise directe avec le vivant. La promenade permet d’assister à la fin d’un cycle, celui des tomates. Les 480 plants faisant place à une soixantaine de variétés semblent dire « à l’année prochaine » aux visiteurs. L’équipe en place, six personnes pour 2,5 ha de terre, ne ménage pas sa peine pour caresser les végétaux dans le sens du poil. Non seulement les jardiniers déposent des arêtes de poisson, des orties et de la consoude aux pieds des belles rouges mais, en plus, en fin de journée, ils ne quittent jamais les lieux sans leur diffuser un air de musique dans le long tunnel de 30m de long qui les abrite. En cette fin octobre, le défi consiste à prolonger la saveur de la tomate au-delà de la plage temporelle serrée que lui a concédé la nature. Pour ce faire, Degeimbre s’empare d’une technique issue de son pays natal, le « jangajji », qui consiste à mariner les légumes dans l’eau, la sauce soja, le sucre et le vinaigre. No ego L’action conjuguée de la promenade et de la vue des légumes (il est aussi question de chou, de daïkon et autres légumes racines), ne peut qu’avoir une issue fatale : la naissance de la faim. Après un apéritif sans alcool, l’eau parfumée « Osan » mariant cosmos et shiso, il est grand temps de rejoindre la table. On parvient à celle-ci en passant par les coulisses, c’est-à-dire la cuisine où s’opère la magie. Pas de doute, le chef n’a rien à cacher. Détail amusant, plutôt qu’une désinfection des mains au gel hydroalcoolique, on se frotte les doigts dans la verveine citronnée : l’objectif antiseptique est le même, le bénéfice olfactif en plus. Vient le moment de prendre place. Impossible de ne pas être médusé par le plafond ponctué de bois. Pas possible non plus de ne pas commenter le geste fort déployé. Les convives font face au jardin potager, séparés de lui par une gigantesque lame de verre. Ce positionnement frontal fusionnel leur fait tourner le dos à la cuisine, soit un aveu de grande humilité de la part de notre chef, à l’heure où les autres cultivent leur statut de rock star à la faveur de salle braquant tous les projecteurs sur leur ego. La carte, quant à elle, distingue deux menus : l’un dit « Signature » , l’autre « Suprématie ». La première proposition séduit tout particulièrement dans la mesure où elle a été pensée pour rassurer. La dizaine de prémices et de dégustations aligne les préparations phares de L’Air du temps, celles qui ont propulsé San Degeimbre au firmament de la gastronomie. Il y a, merveille de 2007, la « Kiwitre » associant huître Utah Beach et eau de kiwi sur fond de tagète filophilia et d’huacatay, une fleur appelée aussi « tagète des décembres ». Dans la foulée, on déguste le fameux sushi décomposé, création de 2004 panachant, pour le dire vite, truite d’Ondenval, riz et ras el-hanout. Bien sûr, impossible de passer à côté des « Jardins de Liernu », assiette culte de 2013 associant légumes du moment, jus lacto-fermenté (fermentation de légumes de saison : chou, radis noir et navet pour le moment) et huile du temps à base d’huile de pépin de raisin et de livèche. Le minutage idéal entre les préparations invite à tendre l’oreille. La bande-son réjouit ; elle consiste en une prise de son extérieure opérée dans le potager. Les convives sont bercés par le chant des oiseaux, les conversations indistinctes des jardiniers ou encore les bruits de bêche dans le sol. Un conseil ? Ne pas rater la case « fromage ». Les délices de Pascal Fauville sont déclinés tels qu’en eux-mêmes (Pavé de Calais, Gorgonzola, Hercule…) mais également sublimés par une « préparation valorisée » façon vitrail d’immortelle (une tuile - sorte de biscuit - transparente réalisée en sucre bullé parfumée avec de l’immortelle ou Helichrysum italicum), voile de fleurs de sureau, lacto-fermentation de salsifis à la vanille. Et les vins dans tout cela ? Ils sont ciselés par Stéphane Dardenne qui dessine une intéressante sente gustative parmi crus réputés et vins « nature » épatants. Miracle, on quitte la table léger mais rassasié – le chef de L’Air du temps a la question de la juste quantité chevillé à sa pratique, lui qui opte pour des portions globales de 700g de nourriture là où de nombreux gastros imposent 1,5kg. Du coup, la nuit est merveilleuse. Tout comme le petit-déjeuner qui s’en suit, fait de pain au levain, d’œuf à 63°c, de bacon de chez Roland et de viennoiseries maison (à la farine de froment du Moulin de Hollange). n www.airdutemps.be 42 Toute copie non autorisée est strictement interdite sans le consentement écrit préalable de Produpress SA/NV
1 2 3 1. La kiwitre, création emblématique du restaurant saffice indémodable depuis 14 ans. . an egeimbre, un cef qui a tourné le dos au règne de l’ego gastronomique. . obres, les cambres installent dans un confort juste et serein, qui n’est pas troublé par le ronronnement de l’air conditionné. . Le potager de , a est le centre de toutes les attentions. 4 Toute copie non autorisée est strictement interdite sans le consentement écrit préalable de Produpress SA/NV 43
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