UN PELOTON DANS LA VILLE Depuis 2015, les cyclistes coursiers sont de plus en plus nombreux dans nos villes. Qui sontils ? Etudiants qui arrondissent les fins de mois ou passionnés de vélo qui prennent un vrai plaisir en roulant quotidiennement? Miles a rencontré Sylvain Merlo, livreur à plein temps pour Deliveroo à Bruxelles. Boris Rodesch 52 Toute copie non autorisée est strictement interdite sans le consentement écrit préalable de Produpress SA/NV. Miles #25
Life « Tant que les jambes et le cerveau fonctionne, je ne vois pas pourquoi je ferais autre chose » Sylvain Merlo roule près de 350 km à vélo dans Bruxelles chaque semaine, pour un total d’environ 15.000 bornes par an. Pour se faire une idée, les cyclistes professionnels parcourent entre 15.000 et 30.000 km par an selon leurs entraînements et leur programme de compétition. Sylvain enchaine ainsi 13 shifts et 40 heures semaine chez Deliveroo. « Le 11 novembre, j’ai roulé 7h30 et parcouru 100 km en 3 shifts !» Passionné de vélo, il portait déjà gamin son maillot Banesto pour supporter les exploits de Miguel Indurain au Tour de France. Epanoui dans ce nouveau job, âgé de 29 ans, il ne compte pas s’arrêter de sitôt. « L’organisation de soirée, DJ, ça m’est passé… Je prends beaucoup plus de plaisirs comme coursier et je suis en meilleure forme. » Deliveroo Lancement à Londres en 2013 Lancement à Bruxelles en 2015 30.000 coursiers dans 12 pays et 200 villes en 2017 2.500 coursiers en Belgique pour 4 villes (Bxl, Anvers, Gand, Liège) 1.500 coursiers à Bruxelles 850 restos en Belgique 450 restos à Bruxelles 8 villes en Belgique fin 2017 Croissance mensuelle en Belgique de 20% « Au moindre doute, c’est le cycliste qui ramasse. » Comment ne pas évoquer les risques du métier ? Bruxelles et ses rares pistes cyclables, son climat, ses rails de trams, ses nombreux reliefs… Un danger quotidien pour tous les cyclistes. Sylvain, toujours positif, relativise : « Les coursiers en ville sont entrés dans le paysage. On ne les voit plus comme un point d’interrogation. La zone Ixelles me convient, les rues sont calmes et on n’est pas obligé de slalomer entre les voitures. Les grosses artères, c’est l’horreur. Au risque de passer pour un sauvage, j’ai appris qu’il fallait s’imposer. Et même si je frôle 20 accidents par jour, ça se passe de mieux en mieux avec les automobilistes. Si vous êtes courtois, un petit geste, un signe et souvent tout s’arrange. » «Le sport et la bouffe c’est ma vie ! » Plus qu’un boulot, être coursier pour certains, c’est un état d’esprit. Sylvain était présent à Paris l’été dernier pour la 24 e édition des championnats du monde des coursiers. Une super occasion pour les quelque 600 participants de partager leur passion en buvant beaucoup de bières. Une semaine entre coursiers venus du monde entier, les liens se tissent ! « Je porte justement le survêtement d’un coursier mexicain... J’ai aussi compris la signification du terme la chistole. C’est le fait de boire à outrance dans un contexte sportif sans jamais faillir à son devoir du lendemain. Il est omniprésent et résume parfaitement notre état d’esprit. » Pour revenir au championnat, Sylvain ne s’est pas qualifié pour la finale. « Nous participerons cet été avec 4-5 gars de Deliveroo à la prochaine édition à Montréal. Nous profiterons ensuite du voyage pour rejoindre Manhattan à vélo en 6-7 jours. ». « Le côté hors la loi est un peu grisant » Sylvain participe aussi à des courses plus underground, les Alleycats: courses urbaines à vélo (avec une série de check points), souvent nocturnes et toujours clandestines. « C’est impressionnant. Un peloton de coursiers imbibés d’alcool qui débarquent dans une ville. Je me suis pris un taxi après 2 km… J’avais le visage bien amoché. Un coursier de Berlin L’app préférée des coursiers ? d’une cinquantaine d’année m’a aidé et nous avons terminé la course ensemble. J’ai compris ce jour-là l’esprit de la communauté et ses vraies valeurs. » « L’essentiel est d’être à l’aise sur son vélo » Les coursiers ont un style souvent proche de celui du hipster, tenue faussement négligée, port de la barbe, vélo à pignon fixe (fixie). Sylvain quant à lui s’en fout d’être branché et roule depuis 10 ans avec un vélo de route de la marque Specialized. « Chacun fait ce qu’il veut mais personnellement, peu importe son aspect moule bite, je préfère privilégier le confort d’une tenue sportive. » « Je gagne entre 1600 et 1800 euros brut par mois » La majorité des coursiers sont des étudiants, mais le caractère ultra-flexible des horaires intéresse aussi les indépendants. Le métier, pour lequel aucune qualification n’est requise, est dépourvu d’un vrai statut social. Ni employés, ni ouvriers, ils passent tous par la Smart et sont rémunérés à hauteur de 9,31€ brut/heure pour les étudiants et 11€ brut/h + 2€ par livraison pour les indépendants. Les étudiants obtiennent des bonus en fonction du nombre de courses. Trois courses à l’heure pour 1,5€ et 50 courses par quinzaine pour une prime de 25€. Et pourtant, Charles Van den Bogaert – Head Marketing à Bxl – insiste: «le coursier est la personne la plus importante chez Deliveroo, la seule représentation humaine, l’image de la boîte ! » Heureusement, les contrats de la Smart leur offrent une assurance accident de travail et responsabilité civile… Deliveroo se contente de son côté de déclarer tous ses coursiers et de leurs fournir le matériel minimum : sac, veste, lampes et porte-gsm. Au regard de la précarité des conditions de travail, on comprend aisément pourquoi les coursiers sont généralement soit des étudiants soit des passionnés… Strava, le réseau social des cyclistes, permet de suivre l’évolution de ses performances. Les coureurs peuvent comparer leurs chronos avec les personnes qu’ils suivent, des professionnels ou des cyclistes du dimanche. Chacun peut aussi créer des segments où tous les passages d’utilisateurs seront enregistrés. Si beaucoup de coursiers se lancent des défis sur Strava, Sylvain n’est pas amateur : « les médailles virtuelles ne m’intéressent pas ! ». Toute copie non autorisée est strictement interdite sans le consentement écrit préalable de Produpress SA/NV. Miles #25 53
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